2011-05-31

DES SOURCES DE LA CONNAISSANCE ET DE L IGNORANCE Karl.R POPPER









« La vérité transcendance l’autorité humaine ». Karl Popper.



Cette conférence aborde la question philosophique de la recherche de la vérité et des sources de la connaissance humaine. Il examine à ce sujet plusieurs théories de la connaissance qui cherchent une solution au problème du fondement du savoir. Si l’homme cherche la vérité, par quel moyen pourra-t-il obtenir des connaissances certaines? Le problème est alors d’examiner la théorie empiriste de la connaissance et également la théorie rationaliste.

L’auteur se propose d’ailleurs de critiquer ces deux théories dans leur prétention à obtenir la vérité à partir d’un fondement solide et absolument indubitable. L’auteur se présente cependant lui-même comme un rationaliste et un empiriste mais « d’un genre particulier » (p. 17). Il faudra donc se demander en quoi la théorie de Popper est-elle spécifique et se distingue de l’empirisme et du rationalisme et en quoi il fait la critique des ces deux théories qui prétendent indiquer le moyen pour l’homme d’obtenir des connaissances vérifiables.

Il reconnaît certes, dès le début du texte, que l’observation, autant que la raison, jouent un rôle dans l’élaboration de la connaissance mais il reste encore à en préciser « les fonctions respectives ». Nous verrons qu’ici Popper expose sa théorie qu’il veut définir comme un « rationalisme critique » qui énonce que l’homme peut réfuter des théories et être certain de ce qui est faux, mais qu’il n’est pas possible à l’homme d’atteindre la vérité même en science.

Nous verrons en effet que selon Popper, l’homme ne peut pas atteindre la vérité mais ne peut se faire sur le monde que des conjectures. Popper citera dans son livre (P. 140) Xénophane selon qui « la vérité certaine nul homme ne l’a connue ». Cette formule permettra à l’auteur de souligner que la recherche de la vérité n’est sans doute pas possible. Pour autant, cela ne veut pas dire que nou ne pouvons pas éliminer nos erreurs par la critique des théories (falsifiabilité). C’est sans doute cela que Popper nomme le « rationalisme critique », c’est le refus de croire qu’il est possible d’aller à la vérité directement : nous ne pouvons que corriger nos erreurs. Quel est le fondement de la connaissance ? Popper dit page 140 qu’il n’en sait rien car l’homme ne peut atteindre que des hypothèses, des suppositions et non des certitudes absolues. Il opte donc pour une conception “conjecturale” de la connaissance humaine



1) Empirisme et rationalisme . (chapitre 1)



Nous commencerons l’étude du texte par la lecture du chapitre 1 de la page 15 à 17.



L’auteur commence par reprendre la vieille querelle qui oppose l’école philosophique anglaise, c’est-à-dire l’empirisme qui est représenté par des philosophes comme Hume, Bacon, Berkeley, Locke, Stuart Mill, et l’école dite « continentale » c’est-à-dire le rationalisme classique de Descartes, Spinoza ou Leibniz. Dans le premier cas, l’empirisme dit que le fondement de toute connaissance, et donc la source de la vérité se trouve dans l’observation, tandis que l’autre école disait que la fondement de la connaissance c’est « la vision des idées claire et distinctes » (théorie de Descartes par exemple).
Expliquons donc l’opposition entre ces deux théories :
Une connaissance est toujours la mise en relation d’un sujet et d’un objet par une certaine structure que le sujet peut mobiliser pour décrire l’objet : mais les avis divergent sur la part qui revient plutôt au sujet dans l’acte de connaître ou la part qui revient à l’objet. Les structures en question pourront être plutôt celle du sujet, ou plutôt celle de l’objet.

D’où un questionnement philosophique sur la manière dont se construit le savoir : ou bien la connaissance n’est que le résultat de l’enregistrement dans le sujet d’informations déjà organisées dans le monde extérieur, ou bien elle est plutôt produite par le sujet lui-même qui possède la faculté d’agencer les données immédiates de la perception. Globalement la philosophie oppose une tendance « réaliste » qui voudrait que ce soit le monde qui s’imprime dans le sujet pour produire la connaissance, ou plutôt un idéalisme qui insiste beaucoup plus sur la part que le sujet lui-même intègre à l’acte de connaître. Ces deux théories sont impossibles à réfuter ou à démontrer : il s’agit d’hypothèses philosophiques.

La première tend à expliquer la connaissance humaine à partir de l’action que les objets exercent sur le sujet : c’est la théorie de « l’esprit-seau » : la connaissance n’est qu’une information reçue par l’intermédiaire des sens (thèse sensualiste déjà évoquée par Platon dans le Théétète : « notre esprit est un seau, à l’origine il est vide ou à peu près et des matériaux rentrent dans le seau par l’intermédiaire de nos sens, il s’accumulent et sont digérés ». On retrouve cette métaphore avec l’idée de “tabula rasa”, ou de l’esprit comparé à une page blanche, qui autorisait Locke ou Hume, à dire que toutes nos idées viennent de nos sensations. Il n’y a donc pas d’idées innées, voilà la thèse empiriste. Connaître c’est recevoir. Nos sens sont frappés par des objets extérieurs qui engendrent nos représentations : la connaissance dérive intégralement de l’expérience et la limite. « Nihil est in intellectun quod non fuerit in sensu ».



Le problème alors est d’expliquer les erreurs : si connaître c’est recevoir pourquoi tout le monde ne voit-il pas la vérité ? Cela vient du sujet (et non de l’objet) qui voit mal ou interprète mal sa perception. C’est dans l’esprit (et non dans la perception) que se trouve nos erreurs de jugement : il faut donc pouvoir purger l’esprit de ses erreurs et il pourra voir la vérité.



L’autre théorie est le rationalisme. C’est la théorie selon laquelle la connaissance mobilise pour se constituer des éléments qui ne sont pas réductibles à l’expérience. Dans ce cas, le rationalisme imagine parfois que l’esprit possède dès le départ des idées innées (Descartes) ou pour le moins, des données, des notions primitives sans lesquelles le donné de l’expérience n’aurait pour nous aucun sens. Dans ce sens l’esprit possède ses propres lois que la sensation ne fait que mobiliser pour produire une connaissance. Il ya donc dans la tradition rationaliste l’idée que l’esprit humain est capable de produire par lui-même ses propres vérités



L’auteur remarque que le débat entre ces deux théories est toujours actuel : l’empirisme est la théorie dominante en Angleterre ou aux Etats- Unis, mais globalement, et même en Europe, c’est la théorie que l’on tient pour vraie s’agissant de la connaissance scientifique. Cela veut dire que nous pensons que la science se construit non pas sur des idées, des intuitions évidentes (comme le souhaitait “l’intellectualisme” cartésien) mais sur une base d’observation des phénomènes. On se souvient que pour Descartes en effet, la recherche de la vérité commence par la recherche d’idées claires et distinctes qui étant absolument certaines et évidentes, comme le cogito, fonde le savoir, sont le premier socle à partir duquel l’esprit peut ensuite tenter de reconstruire une connaissance certaine.



L’auteur précise enfin que malgré le fait que l’empirisme et le rationalisme semblent opposées, il considère non seulement qu’elles ont en fait plus de points communs que l’on croit, et qu’elles sont toutes les deux dans l’erreur, car selon l’auteur « ni l’observation, ni la raison ne peuvent suffire à produire la connaissance » ni certifier à l’homme un accès à la vérité.

Sans doute l’observation et la raison jouent un rôle mais pas le rôle que leur assignent les théories empiristes ou rationalistes. Donc l’auteur prétend dépasser les deux thèses exposées pour une autre position qu’il nommera à la fin du livre « un rationalisme critique ». Nous verrons que le propre de ce rationalisme critique, est d’affirmer que l’homme peut essayer d’atteindre la vérité mais qu’elle risque fort de rester en dehors de notre portée.

TEXTE EXTRAIT DU BLOG
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Popper, Karl Raimund
Karl Popper
traduit de l'anglais par Michelle-Irène et Marc B. de Launay
Rivages , Paris
collection Rivages-Poche , numéro 241
Parution : mars 1998