2011-12-30

La cité à travers l'histoire par Lewis Mumford


"La société des grandes métropoles est particulièrement bien outillée pour éliminer les initiatives spontanées et l’indépendance de l’esprit."


Au dernier stade de son développement, la métropole capitaliste est devenue le ressort essentiel qui assure le fonctionnement de cet absurde système. Elle procure à ses victimes l’illusion de la puissance, de la richesse, du bonheur, l’illusion d’atteindre au plus haut point de la perfection humaine.

En fait, leur vie est sans cesse menacée, leur opulence est éphémère et privée de goût, leurs loisirs sont désespérément monotones, et leur peur justifiée de la violence aveugle et d’une mort brutale pèse sur cette apparence de bonheur. Dans un monde où ils ne peuvent plus reconnaître leur œuvre, ils se sentent de plus en plus étrangers et menacés : un monde qui de plus en plus échappe au contrôle des hommes, et qui, pour l’humanité, a de moins en moins de sens.

Certes, il faut savoir détourner les yeux des sombres aspects de la réalité quotidienne pour prétendre, dans ces conditions, que la civilisation humaine a atteint son plus brillant sommet.

Mais c’est à cette attitude que les citoyens de la métropole s’entraînent chaque jour : ils ne vivent pas dans un univers réel, mais dans un monde de fantasmes, habilement machiné dans tout leur environnement, avec des placards, des images, des effets de lumière et de la pellicule impressionnée ; un monde de murs vitrés, de plexiglass, de cellophane, qui les isole de leur peine et des mortifications de la vie, - monde d’illusionnistes professionnels entourés de leurs dupes crédules. (…)

Les spectateurs ne conversent plus comme des personnes qui se rencontrent au croisement des routes, sur la place publique, autour d’une table. Par l’antenne de la radio et de la télévision, un très petits nombre d’individus interprètent à notre place, avec une adresse toute professionnelle, les mouvements d’opinion et les événements quotidiens. Ainsi les occupations les plus naturelles, les actes les plus spontanées sont l’objet d’une surveillance professionnelle et soumis à un contrôle centralisé. Des moyens de diffusion, aussi puissants que variés, donnent aux plus éphémères et aux plus médiocres ouvrages un éclat et une résonance qui dépassent de loin leurs mérites.

La cité à travers l'histoire
by Lewis Mumford
Publié : 1964, Éditions du Seuil (Paris)


Lewis MUMFORD, La Cité à travers l’histoire, 1961

2011-11-10

L'Odyssée d'Homère

Dans la petite île d'Ithaque, Pénélope et son fils Télémaque attendent Ulysse, leur époux et père. De l'autre côté des mers, Ulysse a pris le chemin du retour depuis longtemps déjà. Mais les tempêtes, les monstres, les géants, les dieux parfois, l'arrêtent ou le détournent de sa route.Ulysse découvre l'Inconnu où naissent les rêves et les peurs des hommes depuis la nuit des temps. L 0dyssée est une épopée grecque antique attribuée à Homère, qui l'aurait composée après l’Iliade, vers la fin du VIIIe siècle av. J.‑C. Elle est considérée comme l’un des plus grands chefs-d’œuvre de la littérature et, avec l’Iliade, comme l'un des deux poèmes fondateurs de la civilisation européenne.

2011-09-02

Iliade d'Homère

Le thème de l'épopée est la guerre de Troie dans laquelle s'affrontent les Achéens venus de toute la Grèce et les Troyens et leurs alliés, chaque camp étant soutenu par diverses divinités comme Athéna, Poséidon ou Apollon. Après un siège de dix ans, le sort des armes hésite encore dans de multiples combats collectifs ou individuels où s'illustrent des figures comme Ajax, Hector ou Patrocle. Finalement les Achéens l'emportent grâce à la victoire d'Achille qui tue le chef troyen en combat singulier.

2011-06-03

ALAIN REY

TERROIR


Alain Rey (1/4): «terroir» par Mediapart

FLUX MIGRATOIRE




REFORME



PRO et ANTI

Aphorismes sur la sagesse dans la vie



"comparer la vie à une etoffe brodée dont chacun ne verrait, dans la première moitié de son existence, que l'endroit, et, dans la seconde, que l'envers ; ce dernier côté est moins beau, mais plus instructif, car il permet de reconnaître l'enchainements des fils."


Pour Schopenhauer, la sagesse dans la vie est l'art de rendre celle-ci aussi agréable et heureuse que possible. Dans ce traité, il invite le lecteur à se recentrer sur ce qu'il a en lui-même et à en tirer les bénéfices pour son existence.





Paru en 2011
173 pages
Classé dans Philosophie

ISBN 9782130588313

2011-05-31

DES SOURCES DE LA CONNAISSANCE ET DE L IGNORANCE Karl.R POPPER









« La vérité transcendance l’autorité humaine ». Karl Popper.



Cette conférence aborde la question philosophique de la recherche de la vérité et des sources de la connaissance humaine. Il examine à ce sujet plusieurs théories de la connaissance qui cherchent une solution au problème du fondement du savoir. Si l’homme cherche la vérité, par quel moyen pourra-t-il obtenir des connaissances certaines? Le problème est alors d’examiner la théorie empiriste de la connaissance et également la théorie rationaliste.

L’auteur se propose d’ailleurs de critiquer ces deux théories dans leur prétention à obtenir la vérité à partir d’un fondement solide et absolument indubitable. L’auteur se présente cependant lui-même comme un rationaliste et un empiriste mais « d’un genre particulier » (p. 17). Il faudra donc se demander en quoi la théorie de Popper est-elle spécifique et se distingue de l’empirisme et du rationalisme et en quoi il fait la critique des ces deux théories qui prétendent indiquer le moyen pour l’homme d’obtenir des connaissances vérifiables.

Il reconnaît certes, dès le début du texte, que l’observation, autant que la raison, jouent un rôle dans l’élaboration de la connaissance mais il reste encore à en préciser « les fonctions respectives ». Nous verrons qu’ici Popper expose sa théorie qu’il veut définir comme un « rationalisme critique » qui énonce que l’homme peut réfuter des théories et être certain de ce qui est faux, mais qu’il n’est pas possible à l’homme d’atteindre la vérité même en science.

Nous verrons en effet que selon Popper, l’homme ne peut pas atteindre la vérité mais ne peut se faire sur le monde que des conjectures. Popper citera dans son livre (P. 140) Xénophane selon qui « la vérité certaine nul homme ne l’a connue ». Cette formule permettra à l’auteur de souligner que la recherche de la vérité n’est sans doute pas possible. Pour autant, cela ne veut pas dire que nou ne pouvons pas éliminer nos erreurs par la critique des théories (falsifiabilité). C’est sans doute cela que Popper nomme le « rationalisme critique », c’est le refus de croire qu’il est possible d’aller à la vérité directement : nous ne pouvons que corriger nos erreurs. Quel est le fondement de la connaissance ? Popper dit page 140 qu’il n’en sait rien car l’homme ne peut atteindre que des hypothèses, des suppositions et non des certitudes absolues. Il opte donc pour une conception “conjecturale” de la connaissance humaine



1) Empirisme et rationalisme . (chapitre 1)



Nous commencerons l’étude du texte par la lecture du chapitre 1 de la page 15 à 17.



L’auteur commence par reprendre la vieille querelle qui oppose l’école philosophique anglaise, c’est-à-dire l’empirisme qui est représenté par des philosophes comme Hume, Bacon, Berkeley, Locke, Stuart Mill, et l’école dite « continentale » c’est-à-dire le rationalisme classique de Descartes, Spinoza ou Leibniz. Dans le premier cas, l’empirisme dit que le fondement de toute connaissance, et donc la source de la vérité se trouve dans l’observation, tandis que l’autre école disait que la fondement de la connaissance c’est « la vision des idées claire et distinctes » (théorie de Descartes par exemple).
Expliquons donc l’opposition entre ces deux théories :
Une connaissance est toujours la mise en relation d’un sujet et d’un objet par une certaine structure que le sujet peut mobiliser pour décrire l’objet : mais les avis divergent sur la part qui revient plutôt au sujet dans l’acte de connaître ou la part qui revient à l’objet. Les structures en question pourront être plutôt celle du sujet, ou plutôt celle de l’objet.

D’où un questionnement philosophique sur la manière dont se construit le savoir : ou bien la connaissance n’est que le résultat de l’enregistrement dans le sujet d’informations déjà organisées dans le monde extérieur, ou bien elle est plutôt produite par le sujet lui-même qui possède la faculté d’agencer les données immédiates de la perception. Globalement la philosophie oppose une tendance « réaliste » qui voudrait que ce soit le monde qui s’imprime dans le sujet pour produire la connaissance, ou plutôt un idéalisme qui insiste beaucoup plus sur la part que le sujet lui-même intègre à l’acte de connaître. Ces deux théories sont impossibles à réfuter ou à démontrer : il s’agit d’hypothèses philosophiques.

La première tend à expliquer la connaissance humaine à partir de l’action que les objets exercent sur le sujet : c’est la théorie de « l’esprit-seau » : la connaissance n’est qu’une information reçue par l’intermédiaire des sens (thèse sensualiste déjà évoquée par Platon dans le Théétète : « notre esprit est un seau, à l’origine il est vide ou à peu près et des matériaux rentrent dans le seau par l’intermédiaire de nos sens, il s’accumulent et sont digérés ». On retrouve cette métaphore avec l’idée de “tabula rasa”, ou de l’esprit comparé à une page blanche, qui autorisait Locke ou Hume, à dire que toutes nos idées viennent de nos sensations. Il n’y a donc pas d’idées innées, voilà la thèse empiriste. Connaître c’est recevoir. Nos sens sont frappés par des objets extérieurs qui engendrent nos représentations : la connaissance dérive intégralement de l’expérience et la limite. « Nihil est in intellectun quod non fuerit in sensu ».



Le problème alors est d’expliquer les erreurs : si connaître c’est recevoir pourquoi tout le monde ne voit-il pas la vérité ? Cela vient du sujet (et non de l’objet) qui voit mal ou interprète mal sa perception. C’est dans l’esprit (et non dans la perception) que se trouve nos erreurs de jugement : il faut donc pouvoir purger l’esprit de ses erreurs et il pourra voir la vérité.



L’autre théorie est le rationalisme. C’est la théorie selon laquelle la connaissance mobilise pour se constituer des éléments qui ne sont pas réductibles à l’expérience. Dans ce cas, le rationalisme imagine parfois que l’esprit possède dès le départ des idées innées (Descartes) ou pour le moins, des données, des notions primitives sans lesquelles le donné de l’expérience n’aurait pour nous aucun sens. Dans ce sens l’esprit possède ses propres lois que la sensation ne fait que mobiliser pour produire une connaissance. Il ya donc dans la tradition rationaliste l’idée que l’esprit humain est capable de produire par lui-même ses propres vérités



L’auteur remarque que le débat entre ces deux théories est toujours actuel : l’empirisme est la théorie dominante en Angleterre ou aux Etats- Unis, mais globalement, et même en Europe, c’est la théorie que l’on tient pour vraie s’agissant de la connaissance scientifique. Cela veut dire que nous pensons que la science se construit non pas sur des idées, des intuitions évidentes (comme le souhaitait “l’intellectualisme” cartésien) mais sur une base d’observation des phénomènes. On se souvient que pour Descartes en effet, la recherche de la vérité commence par la recherche d’idées claires et distinctes qui étant absolument certaines et évidentes, comme le cogito, fonde le savoir, sont le premier socle à partir duquel l’esprit peut ensuite tenter de reconstruire une connaissance certaine.



L’auteur précise enfin que malgré le fait que l’empirisme et le rationalisme semblent opposées, il considère non seulement qu’elles ont en fait plus de points communs que l’on croit, et qu’elles sont toutes les deux dans l’erreur, car selon l’auteur « ni l’observation, ni la raison ne peuvent suffire à produire la connaissance » ni certifier à l’homme un accès à la vérité.

Sans doute l’observation et la raison jouent un rôle mais pas le rôle que leur assignent les théories empiristes ou rationalistes. Donc l’auteur prétend dépasser les deux thèses exposées pour une autre position qu’il nommera à la fin du livre « un rationalisme critique ». Nous verrons que le propre de ce rationalisme critique, est d’affirmer que l’homme peut essayer d’atteindre la vérité mais qu’elle risque fort de rester en dehors de notre portée.

TEXTE EXTRAIT DU BLOG
http://chevet.unblog.fr


Popper, Karl Raimund
Karl Popper
traduit de l'anglais par Michelle-Irène et Marc B. de Launay
Rivages , Paris
collection Rivages-Poche , numéro 241
Parution : mars 1998

2011-04-07

la régulation de l’émotion

Pour le sociologue Norbert Elias, l’histoire des civilisations est le processus de domestication de l’affectivité de l’homme par la régulation de l’émotion. S’intéressant aux processus de décisions individuelles et collectives dans un cadre émotionnel partagé, Jon Elster propose une anthropologie sociale du futur, qui repose sur la théorie du choix rationnel. Il sera intéressant de la confronter à l’approche sociologique centrée sur les émotions telle que la présente Klaus Scherer, pour qui la notion de civilisation est spécifiquement humaine ; être civilisé consiste à contrôler ses affects dans le respect des règles établies. Le grand retour des émotions livrées aux masses dans leur authenticité est-il le signe d’une nouvelle civilisation fondée sur l’affectivité ou, à l’inverse, d’une « décivilisation » qui passerait par leur exhibition obscène ?


La place des émotions dans les sociétés futures par fondapol

Dailymotion - La place des émotions dans les sociétés futures - une vidéo High-tech et Science

LIVRE



Les émotions sont un domaine carrefour qui concerne les 3 grands champs de la psychologie : cognitive, sociale et clinique, mais aussi la psychologie de la santé. Ce domaine connaît un développement important et tend à se formaliser en tant que sciences affectives. L'ouvrage dirigé par deux ténors européens de la discipline, se veut un état des lieux du savoir et une synthèse des théorisations les plus récentes dans ce champ.

Sommaire

Avant-propos. La psychologie des émotions : survol des théories et débats essentiels. Théorie de l'évaluation cognitive et dynamique des processus émotionnels. Expression faciale des émotions. Expression vocale des émotions. Psychophysiologie des émotions. Motivation et tendances à l'action. Le sentiment subjectif : intégration et représentation centrale consciente des composantes émotionnelles. La régulation des émotions. Stress et coping : un état des lieux. Les émotions intergroupes. Les émotions dans le monde de l'entreprise et du travail. La personnalité et les émotions. Biais d'évluation cognitive et phobie sociale. Bibliographie. Index.

Ouvrage dirigé par : David Sander
Klaus Scherer
Collection: Psycho Sup, Dunod
2009 - 496 pages - 155x240 mm
EAN13 : 9782100521395 - Prix TTC France 42,90 €

2011-02-28

La civilisation des moeurs, Norbert Elias




La civilisation des mœurs est une étude socio-historique détaillée et rigoureuse de l'évolution des mœurs et des codes de conduite sociale dans la société occidentale depuis le Moyen Age. A travers l'étude approfondie de nombreux documents d'époque, souvent très instructifs sur les mœurs anciennes, Norbert Elias nous donne une vision claire de ce qu'il nomme le « processus de civilisation », tout en démontrant le rôle prépondérant joué par les couches sociales supérieures dans l'élaboration de ce processus

extraits de La civilisation des moeurs, Norbert Elias

[...] Alors que la « civilisation » s'attache à souligner l'universalité des hommes, la Kultur a tendance à insister sur les différences entre les peuples. Pour Elias, cela s'explique par le fait que l'Allemagne s'est unifiée tardivement par rapport aux autres pays occidentaux, et que ses habitants ont donc ressenti le besoin permanent de se demander ce qu'ils avaient en commun : la Kultur répond donc à cette question récurrente. On comprend donc bien pourquoi la structure du sentiment national, qu'elle résulte des notions de Kultur ou de « civilisation », est sensiblement variable d'un pays à l'autre. [...]

[...] «La civilisation des mœurs», de Norbert Elias L'auteur Norbert ELIAS est né à Breslau, en Allemagne (dans l'actuelle Pologne), en 1897. Sociologue atypique ayant entamé des études de médecine puis de philosophie avant de se tourner vers la sociologie, il enseigna notamment à l'université de Francfort. Fuyant l'Allemagne devant la montée du nazisme, il se dirige d'abord vers la Suisse, puis la France, avant de s'établir en 1935 et pour quarante ans en Angleterre. Outre-Manche, il se lance dans une carrière d'enseignant, et surtout il se consacre à la rédaction de Über den Prozess der Zivilization, qui paraît en 1939. [...]

[...] Ainsi, partant du fait qu'elle a pu se mêler aux courtisans, la classe bourgeoise française peut s'exprimer par rapport à d'éventuelles avancées sociales, étant appuyée par un mouvement de pensée regroupé sous le nom de physiocratie. Elias fait remarquer que l'on ne peut cependant pas décrire la bourgeoisie française comme réformatrice et l'aristocratie comme totalement opposée au changement social : il existe des exceptions. La notion qui se cache derrière le mot « civilisation » varie notablement selon les individus qui l'emploient à partir de Mirabeau père. Il apparaît cependant qu'en 1774, Holbach dans son Système social, dit que « la civilisation des peuples n'est pas encore terminée ». [...]

[...] Conclusion Cette étude de Norbert Elias est particulièrement instructive sur l'histoire sociale de l'Europe. En abordant de manière claire et précise les concepts de « culture » et de « civilisation », il permet de mieux comprendre les oppositions entre les concepts français et allemands. Il parvient à saisir les racines du colonialisme français et de l'identité nationale allemande, deux éléments essentiels dans l'Europe du XIXe siècle. Mais en adoptant un point de vue socio-historique, Elias nous donne également une vision globale et synthétique de l'évolution sociale de la civilisation européenne. [...]

[...] Or l'épanouissement ne tarde pas, puisque paraissent bientôt des œuvres importantes de Schiller, Kant et Goethe. Il est évident que cela ne s'est pas réalisé aussi rapidement, et que l'évolution avait déjà débuté depuis longtemps. Mais Frédéric II passe les améliorations sous silence, car il est issu d'une tradition intellectuelle qui est celle des cours anglaise et française. Par ailleurs, Frédéric II est sûrement celui qui a le plus agi en faveur du développement politique de la Prusse, si bien que ses positions émises en tant que philosophe divergent complètement de son action politique. [...]




LA SOCIETE DES INDIVIDUS




La société des individus" et qui nous concernent plus directement car il résout le paradoxe d'un individu qui se croit autonome alors qu'il est soumis à des interdépendances de plus en plus contraignantes : c'est parce qu'il y a une différenciation de plus en plus grande, qui objectivement augmente nos dépendances mais offre un choix plus grand d'aspirations sociales que le sentiment d'autonomie se renforce avec celui d'injustice et de culpabilité, ainsi que de séparation de la société.

"Plus sont denses les dépendances réciproques qui lient les individus, plus est forte la conscience qu'ils ont de leur autonomie"

Elias résout donc un premier paradoxe d'un sentiment d'autonomie qui augmente avec celui des contraintes sociales, mais il répond aussi à la fin de sa vie à l'objection d'une évolution où les normes et les contraintes semblent s'alléger, en illustrant avec le sport que cela ne fait que renforcer l'auto-contrôle (production de soi jusqu'à la dépression.


C'est seulement à partir du moment où l'individu cesse de penser ainsi pour lui tout seul, où il cesse de considérer le monde comme quelqu'un qui "de l'intérieur" d'une maison regarderait la rue, "à l'extérieur", à partir du moment où, au lieu de cela - par une révolution copernicienne de sa pensée et de sa sensibilité -, il arrive aussi à se situer lui-même et sa propre maison dans le réseau des rues, et dans la structure mouvante du tissu humain, que s'estompe lentement en lui le sentiment d'être "intérieurement" quelque chose pour soi tandis que les autres ne seraient qu'un "paysage", un "environnement", une "société" qui lui feraient face, et qu'un gouffre séparerait de lui.

" des conventions qui brident les spontanéités, le contrôle intériorisé des pulsions et des émotions devient encore plus nécessaire et plus exigeant. "

"il ne suffit pas de comprendre un individu par ses caractéristiques, il faut encore l'expliquer par la situation et sa position dans le groupe ou son histoire."

"Il faut rompre avec la pensée sous forme de substances isolées et passer à une réflexion sur des rapports et des fonctions"

La dynamique de l’Occident - Norbert Elias




Dans La dynamique de l’Occident, Norbert Elias développe la notion de « processus de civilisation », phénomène qu’il caractérise principalement par un accroissement de l’autocontrainte dans l’ensemble des comportements individuels. Ce même processus est, selon lui, lié à la formation de l’Etat.

Ainsi, il met en place parallèlement à une théorie de la « sociogenèse de l’Etat », une théorie de la civilisation. Ainsi, Norbert Elias prend pour point de départ à sa réflexion la société féodale occidentale et plus particulièrement la société française. Dans cette perspective, il analyse les évolutions de la société féodale française et dans quelle mesure celles-ci aboutissent à la constitution progressive de l’Etat, sans que les acteurs n’aient conscience du processus en action.

la société et les rapports de domination.

extraits de La dynamique de l’Occident - Norbert Elias

[...] La théorie avancée par Norbert Elias peut également être confrontée aux conceptions de l’Etat d’autres auteurs. Dans une première phase qu’Elias caractérise de « phase de concurrence libre », et qu’il fait débuter au XIème siècle et terminer au XIIIème, les différents seigneurs féodaux luttent pour étendre leur domination sur des territoires plus vastes. L’enjeu de cette lutte étant l’hégémonie ou la perte de l’indépendance, il apparaît que lors de cette phase de concurrence libre, certains guerriers finissent par ne plus avoir la capacité de remettre en cause la domination d’autres seigneurs. [...]

[...] Parallèlement au développement de l’autocontrainte, Norbert Elias repère également deux phénomènes qui accompagnent le processus de civilisation : la gène et la pudeur. Il définit la pudeur ainsi : « sorte d’angoisse qui se reproduit dans l’individu d’une manière automatique et habituelle dans certaines circonstances ». Cette pudeur n’est pas seulement issue d’un conflit entre l’individu et la société, c’est également un conflit qui met en cause l’économie psychique de l’individu : ce dernier ce reconnaît lui-même comme inférieur. La progression du seuil de la pudeur est l’expression d’une prudence que la différenciation sociale impose à un nombre sans cesse croissant de groupes humains pour assurer leur existence sociale. [...]

[...] Il apparaît que chaque individu développe à coté de l’autocontrôle conscient, un mécanisme d’autocontrôle automatique et aveugle ou autocontrainte. Consciente ou inconsciente, l’orientation du comportement est déterminée par les progrès de la différenciation sociale, de la division des fonctions, par l’extension des chaînes d’interdépendance dans lesquelles s’insère chaque manifestation de l’homme isolé. Cet autocontrôle est en partie réalisé par l’éducation. Par ailleurs, Norbert Elias souligne que c’est la formation de monopoles qui permet la mise en place d’un mécanisme de « conditionnement social ». [...]

[...] Plus la dépendance des hommes s’accroît plus ils ont tendance à s’observer réciproquement. Enfin, chaque poussée civilisatrice s’accompagne d’une augmentation de la puissance sociale des couches touchées par elle. Le processus de civilisation contribue à favoriser la mobilité sociale des individus et groupes sociaux. Ainsi, ce sont des couches de plus en plus larges qui ont tendance à s’élever. La théorie exposée par Norbert Elias dans La dynamique de l’Occident représente une tentative ambitieuse : rendre compte de la civilisation comme du processus politique affectant l’histoire de l’Occident dans son ensemble. [...]

2011-01-08


"Éloge de la gentillesse"

Faut-il être gentil avec la gentillesse ? attitude moquée et dénigrée, la gentillesse ne fait plus recette dans un monde cynique où tout don vaut abandon, pour ne pas dire défaite. en faisant preuve de gentillesse, je m'oublie au profit d'un autre : les vieilles morales y auraient vu un signe d'humanité, le monde moderne y reconnaît une incongruité. s'intéresser à la gentillesse suppose donc soit de se soumettre à la raillerie, soit de remettre à sa place le rôle et le mérite de cette notion.

Il ne s'agit donc ni d'être gentil avec la gentillesse ni d'épargner les faiblesses qu'on lui prête habituellement ; il convient seulement de la distinguer en faisant apparaître ses racines, en déroulant ses feuilles et en goûtant son fruit. trop longtemps confondue avec des espèces voisines (niaiserie, mièvrerie, naïveté), la gentillesse est une réalité vivace encore méconnue. Derrière son apparente simplicité se cache en effet une vertu efficace et stratégique aux antipodes des visages qu'on lui prête habituellement. porteuse de valeurs discrètes (la douceur, le bien-être et le réconfort), elle transporte l'homme au-dessus de lui-même et peut modifier substantiellement l'ordre des choses.

Notes sur Tchouang Tseu et la philosophie de Jean François Billeter




Notes sur Tchouang-tseu et la philosophie
Jean François Billeter

À propos de l’héritage antique
“Les lecteurs qui n’ont pas la passion des textes anciens trouveront peut-être absurde l’idée de demander un appui, dans une aussi grande affaire, à un auteur de l’Antiquité dont on sait si peu de choses et dont on a si peu de textes. Mais c’est que ces textes ont une teneur très particulière. Ils contiennent une matière dont nous n’avons pas d’autres échantillons et qui pourrait constituer un antidote puissant, même en petite quantité, contre la tradition dont il s’agit de se libérer. Puissant par ses vertus propres, mais aussi à cause du rôle que ces mêmes textes ont continûment joué à travers les siècles. On les a constamment admirés, mais dans un esprit qui n’était pas le leur. Ils constituent donc, contre la tradition, un argument interne.”

Cet ouvrage reprend certains problèmes abordés dans les Leçons sur Tchouang-tseu et les éclairent d’un jour nouveau. Il aborde en particulier la nature des difficultés sur lesquelles butent les échanges entre l’Europe et la Chine sur le plan de la pensée. Le Tchouang-tseu permet d’appréhender des aspects inaperçus mais essentiels de l’expérience humaine la plus commune. Nul problème n’est compliqué dès lors qu’il est ramené à l’essentiel.

octobre 2010 - prix: 6,10 €
format : 100 x 170 mm
96 pages
ISBN: 978-2-84485-370-7

Leçons sur Tchouang Tseu de Jean François Billeter





Jean François Billeter a dirigé jusqu'en 1999 le département de langue et littérature chinoises de l'université de Genève. Reconnu comme un éminent sinologue, il a su toucher un vaste public sans rien abandonner de sa rigueur et de son exigence intellectuelle.



À propos de l’héritage antique
“Je m’inscris donc en faux contre une sorte d’accord tacite que les sinologues paraissent avoir établi entre eux. Le texte serait si difficile, son état si problématique, la pensée qui s’y exprime si éloignée de la nôtre que ce serait de la naïveté ou de l’outrecuidance de prétendre le comprendre exactement.

Mon intention est de briser ce préjugé. Je ne le ferai pas en essayant d’imposer une lecture particulière, mais en exposant comment je m’y suis pris pour tenter de comprendre le Tchouang-tseu, en présentant quelques résultats que je tiens pour acquis, mais en faisant aussi état de mes doutes et des questions que je me pose. Je souhaite donner une idée des découvertes que l’on fait quand on entreprend d’étudier ce texte de façon à la fois scrupuleuse et imaginative.”

Dans ces cinq leçons prononcées au Collège de France sur l’œuvre de Tchouang-Tseu, figure tutélaire de la pensée taoïste, Jean François Billeter, en partant chaque fois du texte même, qu’il traduit de façon scrupuleuse et sans a priori philosophique, parvient à faire émerger le sens d’une pensée qui n’a rien d’abscons, déconcertante parfois mais toujours précise et profonde.

novembre 2002 - prix: 6,10 €
format : 100 x 170 mm
160 pages
ISBN: 2-84485-080-4

CONSIDERATIONS MORALES de Hannah Arendt



Est-ce que notre aptitude à juger, à distinguer le bien du
mal, le beau du laid, est dépendante de notre faculté de
penser ?

Tant d'années après le procès Eichmann, Hannah
Arendt revient dans ce bref essai, écrit en 1970. à la
question du mal. Eichmann n'était ni monstrueux ni
démoniaque, et la seule caractérisque décelable dans
son passé comme dans son comportement durant le
procès et l'interrogatoire était un fait négatif : ce
n'était pas de la stupidité mais une extraordinaire
superficialité. Une curieuse et authentique inaptitude à
penser.

La question que Hannah Arendt pose est : l'activité de
penser en elle-même, l'habitude de tout examiner et de
réfléchir à tout ce qui arrive, sans égard au contenu spé-
cifique, et sans souci des conséquences, cette activité
peut-elle être de nature telle qu'elle conditionne les
hommes à ne pas faire le mal ?

Est-ce que le désastreux manque de ce que nous nommons conscience n'est pas finalement qu'une inaptitude à penser ?

LE POUVOIR MONSTRUEUX de Philippe Ségur



Présentation de l'éditeur
« L’État est le plus froid de tous les monstres froids », disait Nietzsche.

Dans cet essai, Philippe Ségur s’attache à démontrer en quoi le pouvoir politique est un monstre. En remontant aux sources du pouvoir politique occidental, c’est-à-dire à la période romaine archaïque, aux temps qui ont précédé et suivi la fondation de Rome, en revenant sur la mythologie et sur les traits saillants de la république romaine, l’auteur propose une réflexion sur la nature universelle du pouvoir, sur ce qu’il représente, tant hier qu’aujourd’hui.

Un pouvoir sage et mesuré, la gestion du politique en bon père de famille, l’idée du dirigeant simple et modeste citoyen, cela n’existe pas ou n’a jamais existé que comme accident de l’histoire. Car ce qui caractérise le pouvoir, c’est au contraire sa démesure et sa nécessité de l’afficher. En cela, il est un monstre, un phénomène qui se doit d’être spectaculaire. Et s’il l’est, n’est-ce pas pour dissimuler autre chose, pour capter tous les regards et masquer l’essentiel ?

L’essentiel, c’est la domination, la confiscation de l’autonomie, de la faculté de décider du plus grand nombre au profit de quelques-uns. Ainsi la démocratie, la souveraineté du peuple et le système juridique libéral ne sont-ils qu’un habillage sophistiqué de cette monstruosité, un effet de mise en scène destiné à obtenir la sidération des foules et à faire diversion. Ce subterfuge n’est pas moderne : l’Antiquité y avait pensé avant nous. Avec le déclin des valeurs, notre époque ne fait qu’en souligner le profond nihilisme.

Au-delà de ce constat, l’auteur cherche à savoir d’où vient cette nécessité universelle, cette omniprésence du pouvoir monstrueux : il la trouve dans la nature même du psychisme humain. Celui-ci, en effet, est marqué par le manque, la séparation, un vide à combler, la finitude d’une existence bornée par la mort. Or le pouvoir y répond par l’action qu’il incarne comme un remède au vide, par le sentiment qu’il donne d’une inflation du réel, par l’illusion qu’il procure d’un retour à l’unité et à une forme d’éternité par la célébration de la totalité sociale. Ainsi le pouvoir monstrueux serait-il l’image en miroir, l’image inversée, de la nature humaine : un trop comme une réponse au pas assez.

Buchet Chastel,
160 p. ISBN 9782283024720